Martin Dusseault

Afin de faire connaître la communauté et ses différentes interprétations du développement psychosocial par le sport, nous vous présentons Les Visages du Réseau. Il s’agit d’une série d’articles pour vous présenter des membres du Réseau, leur pratique et leurs réflexions. Nous vous présentons aujourd’hui Martin Dusseault, coordonnateur du programme Bien dans mes baskets.

Martin est un travailleur social. C’est en 1995 qu’il termine ses études universitaires et commence à travailler dans le réseau de la santé et des services sociaux, d’abord en centre jeunesse, puis en CLSC. Il arrive rapidement dans l’équipe de services sociaux scolaires du CLSC en 1999, et c’est auprès de cette clientèle qu’il travaille depuis.

Bien dans mes baskets est un programme qui a pour mission de prévenir le décrochage scolaire et la délinquance des jeunes présentant des facteurs de risque, de favoriser l’intégration et le développement psychosocial par l’entremise du sport d’équipe et d’encourager l’adoption et le développement de saines habitudes de vie. Il est implanté dans plusieurs établissements scolaires, dont 7 écoles primaires, un centre d’éducation aux adultes, et avant tout à l’école secondaire Jeanne-Mance. Il y a trois grands volets d’intervention au programme : individuel et familial, de groupe, et de communauté. Avant d’expliquer ce qui compose ces volets, il faut comprendre ce que fait Bien dans mes baskets sur le terrain.                                                                                                                                                                                                                                                                                    

Une vingtaine d’intervenants provenant du milieu du travail social ou du basketball agissent à titre d’entraîneurs auprès des équipes. Ces adultes sont les sentinelles de l’organisation.  Au fil des activités et des moments forts de la saison, ils créer des liens très forts avec leurs athlètes et sont des courroies de transmission vers les travailleurs sociaux professionnels pour les problématiques plus importantes. Chaque équipe est aussi assignée à l’un des trois travailleurs sociaux dédiés. Il y a donc toujours la possibilité d’une aide professionnelle et qualifiée pour gérer les différentes situations qui peuvent apparaître. Les jeunes s’inscrivent sur une base volontaire dans les équipes et ces dernières sont formées en fonction de l’âge des participants, de leur niveau de compétence et de leurs intérêts. En fait, l’idée n’est pas de séparer les meilleurs des plus faibles, mais de s’assurer que les joueurs ont des niveaux de motivation semblable pour qu’ils se dépassent ensemble et aient la possibilité de vivre des réussites.

 

Au départ, Bien dans mes baskets était un projet qui semblait farfelu pour beaucoup de gens. Il est parfois difficile d’imaginer une discipline hors de son cadre habituel, dans ce cas-ci le travail social, et de voir les possibilités offertes. Fondé en 1999 pour atteindre des jeunes que le réseau habituel ne rejoignait pas, il a fallu 6 ans à Bien dans mes baskets pour commencer à se professionnaliser. C’est en 2005 que les premiers écrits apparaissent, comme les objectifs du programme. En 2009, avec l’aide de la Fondation Lucie et André Chagnon, Martin réfléchit à l’impact de son programme, et une recherche universitaire de Suzanne Laberge donne de la crédibilité à son processus. En effet, mieux il comprend l’impact de ses actions, plus il peut adapter son programme aux besoins de sa clientèle. En 2014, le transfert de connaissance vers la communauté devient un des buts de l’équipe. On comprend mieux l’impact du programme sur les jeunes, leur responsabilisation, leur sentiment d’appartenance et sur la persévérance scolaire. Plusieurs anciens participants sont maintenant des exemples de réussite inspirants.

 

Entrons maintenant dans les volets d’intervention. Bien entendu, l’individu est une partie intégrante du travail social. C’est afin de s’adresser à ses besoins et ses défis que l’intervenant travaille d’arrache-pied. Les jeunes touchés par le programme viennent généralement de milieux multiculturels et à faible revenu. Beaucoup vivent dans des familles monoparentales, ou de familles issues de première ou 2eme génération d’immigrants. Les adolescents issus de ce milieu, surtout les garçons, sont peu portés à s’adresser aux adultes en position d’autorité pour régler leurs problèmes. Les intervenants sur place sont donc mieux placés pour accompagner les adolescents et leur famille dans la découverte de solutions à leurs difficultés ou problématiques, car ils sont dans la confidence des participants. Les travailleurs sociaux attitrés peuvent ensuite intervenir directement auprès des jeunes et auprès de leur famille qu’il s’agisse de problèmes de violence familiale, de relations dysfonctionnelles, de problèmes de communication ou simplement de faciliter la gestion et l’organisation entre le social, l’académique et le sportif. Comme Martin le dit, ses intervenants agissent comme ‘’tuteurs de résilience’’ pour aider les jeunes à avancer malgré leurs facteurs de risque.

Il y a aussi le volet de groupe. Quand on parle de sport d’équipe, on parle aussi d’esprit d’équipe, et de mille et un conflits possibles. Les jeunes vivent probablement des défis semblables, et des interventions de groupe sont parfois nécessaires.

Le troisième volet est lié à la communauté. On parle ici entre autres de l’école, qui est un milieu de vie important à l’adolescence. L’équipe de Bien dans mes baskets se donne comme mission d’aider à réduire les inégalités sociales. Souvent, les équipes de sport sont hors de portée des élèves en difficulté, car on exige un certain niveau de réussite scolaire. Au contraire, Martin et son équipe veulent se servir du sport comme levier pour soutenir les jeunes qui ont de moins bonnes notes et qui vivent des situations difficiles. Il existe malheureusement encore certains comportements racistes au niveau des institutions, et c’est un problème auquel Martin veut s’attaquer. D’un côté plus positif, une autre communauté importante est celle formée par les participants de Bien dans mes baskets, à qui sont offerts des projets de saines habitudes de vie.

 

Pour Martin, tout part des besoins de l’individu et ses liens aux différents groupes d’appartenance et sa communauté. Sa vision du développement psychosocial est liée à son milieu, le travail social. Il s’agit d’une approche systémique, dans laquelle l’individu et le milieu sont interdépendants, et s’influencent l’un l’autre. Martin veut aider les individus à développer des compétences pour se gérer eux-mêmes, mais aussi pour entrer en relation avec les autres. Il faut donner des outils aux gens et améliorer le milieu dans lequel ils agissent.

L’approche de Bien dans mes baskets est de plus en plus reconnue et s’est professionnalisée au fil des années. De plus en plus d’intervenants s’intéressent au programme car ils voient que le sport est en fait un levier de changement au potentiel énorme. Martin répète cependant que l’approche n’est pas forcément parfaite et qu’il faut toujours continuer à s’adapter. Il n’y a pas de recette miracle et être alerte aux besoins de la clientèle est la clé du succès.