Luc Parlavecchio

Afin de faire connaître la communauté et ses différentes interprétations du développement psychosocial par le sport et le plein air, nous vous présentons Les Visages du Réseau. Il s’agit d’une série d’articles pour vous présenter des membres du Réseau, leur pratique et leurs réflexions. Nous vous présentons aujourd’hui Luc Parlavecchio, directeur de projet et travailleur de terrain(S) à Point de rue. Il travaille actuellement à la création et au développement du programme d’intervention de proximité par le sport, le plein air et les arts, Witcihitotan (s’entraider en Atikamekw) au Centre d’Amitié autochtone de Lanaudière.

 

Ce n’est pas par son passage sur les bancs d’école, mais bien grâce à ses expériences personnelles en tant que sportif amateur de haut niveau que Luc commence à travailler avec des jeunes en difficulté. Il arrive au Québec en 1998, où il devient travailleur de rue et développe des projets en sport et plein air auprès des adolescents vulnérables. Par la suite il fondera l’organisme DesÉquilibres et y travaillera pendant près de 15 ans. En 2017, il décide de faire une maîtrise en science de l’activité physique dans laquelle il abordera les attitudes et comportements de l’intervenant social qui souhaite favoriser le développement des jeunes par le sport et le plein air. L’intuition du terrain, la variété des expériences vécues et une démarche scientifique donnent aujourd’hui l’impression à Luc d’une compréhension plus riche de son engagement.

Luc a rejoint depuis avril 2020 l’organisme Point de Rue qui, par le travail de rue et l’opérationnalisation d’un centre de jour, tente de favoriser l’inclusion sociale des personnes en situation de désaffiliation sociale. Cette désaffiliation sociale  peut avoir des  causes multiples :  la pauvreté, un parcours scolaire difficile, une rupture amoureuse ou sociale, etc. Le mandat de Luc à Point de rue est de documenter l’approche de proximité dans un contexte autochtone par la mise en place de projets terrain en lien avec le sport, le plein air et les arts. De plus, il soutient la pratique des travailleurs.ses de rue de Point de Rue par une approche axée sur le sport et le plein air.

Si on lui demande pourquoi son titre officiel; travailleur terrain(S) et directeur de projet comporte un s au terme terrains, il nous répond qu’on ne peut pas vraiment généraliser ce que représente le concept de terrain : il peut s’agir de la forêt, de la rue, des communautés, ou encore du développement organisationnel. Il peut aller partout et il s’adapte aux besoins du terrain dans lequel il se trouve. Il vous dira : « Je suis un couteau suisse, en fait. » Il laisse les personnes qu’il rencontre définir ce qu’ils attendent de lui même si ça exige parfois une grande capacité d’adaptation. C’est pourquoi il apprécie beaucoup le qualificatif d’entrepreneur-frontière, dans lequel les différents partenaires de travail ont leur propre version de la nature de la collaboration qu’ils ont avec lui.

Pour ce qui est du développement psychosocial par le sport et le plein air, Luc Parlavecchio fait partie de ceux qui trouvent la définition incomplète et parle plutôt de développement humain qui selon lui porte sur trois axes : le lien à soi (la découverte de ses forces, de son potentiel, de son tempérament), le lien à l’autre (l’interaction, les expériences partagées) et le lien avec l’environnement. L’aboutissement du développement résulterait alors en un réinvestissement des apprentissages dans la communauté. Les nombreux échanges avec les Nations autochtones lui ont fait comprendre également que ces trois axes sont investis par quatre éléments : les éléments physique, mental, émotif et spirituel que les Autochtones qualifient d’approche holistique de la santé. Par exemple le lien à l’environnement n’est pas seulement physique (ville, nature), mais aussi émotif, spirituel et mental. Sa définition se veut donc plus complexe et englobante.

Luc a participé à la mise sur pied et à la réussite de plusieurs projets s’adressant aux jeunes vulnérables au fil des années. Il nous parle d’abord du projet Alter Action qu’il a co-développé   au sein de l’équipe de DesÉquilibres : des jeunes vulnérables y sont appelés à s’entraîner 3 fois par semaine pendant 12 semaines afin de développer des aptitudes de coopération, de solidarité et de leadership dans un contexte ludique. Des défis collectifs sont proposés à la fin de chaque bloc de 4 semaines afin de repousser les limites des participants et d’offrir une nouvelle occasion d’apprentissage. La mixité sociale des groupes est elle aussi un terreau fertile d’apprentissage. Les jeunes progressent physiquement, mais ils prennent aussi confiance en eux, apprennent la valeur de l’engagement et de la valorisation de soi. Ils développent leurs compétences sociales et apprennent à accepter leur vulnérabilité, ce qui leur permet d’entrer réellement en lien avec les autres et de s’y ouvrir.

Un autre projet emblématique de Luc est le projet collaboratif Pisikotan (Se lever en Atikamekw) mené avec le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière à Joliette dans lequel il s’agissait de soutenir les jeunes dans le renforcement de leur l’identité culturelle. Le projet a été co-construit avec les différents acteurs du milieu y compris les participant et a abouti à la course en relais entre Joliette et Manawan en mars dernier.

Il s’agit ici d’une expérience interculturelle significative, car Luc, n’étant pas Atikamekw , a dû créer un lien de confiance avec eux et comprendre leur culture afin de pouvoir s’adapter et identifier les éléments pouvant renforcer l’identité culturelle sans en être le dépositaire Ce travail a été mené de façon collective et a permis de poser des gestes significatifs tels que la mise en place des rites d’origine autochtone en début et en fin de séance, la réinterprétation  de jeux autochtones à travers la pratique sportive, etc.

Cette expérience avec les communautés autochtones, amène Luc à comprendre qu’il est important que les Blancs qui souhaitent s’impliquer auprès des Nations autochtones reconnaissent leur responsabilité collective vis-à-vis d’une histoire colonialiste et opprimante. Cependant, tout en ayant en tête ces faits, il lui parait important de ne pas porter individuellement tout le poids de cette responsabilité collective au risque de ne plus pouvoir se mettre en action. Par ailleurs, c’est en ayant vécu six mois à Opitciwan, dans une communauté atikamekw, avec un statu de minorité culturelle que Luc  a pu percevoir ce que ressent une personne en situation de minorité culturelle  et effleurer ce que signifie vivre les relations d’exclusion dans la position de l’autre, tout en ayant la conscience qu’il pourrait, lui, en sortir à tout moment. Une leçon d’humilité et d’humanité.